-Maman, tu peux me raconter une histoire s’il te plait ?
-Mais enfin mon chéri ! C’est la rentrée demain ! Et il est déjà tard…
-Mais s’il te plait maman chérie que j’adore et que j’aime plus que tout
au monde…
-Bon, d’accord, lâche la mère attendrie dans un soupir.
Le bambin saute de joie sur son lit. Il faut dire que sa mère raconte
merveilleusement bien les histoires. C’est normal, c’est elle qui les a
inventées.
-Alors je commence tu es prêt ? C’est l’histoire d’un grand homme qui
était aussi un grand rêveur…
-C’est bon je suis prêt !
*
Nous sommes le 8 novembre 2009, en ce moment si particulier entre le
coucher du soleil et la nuit. Le crépuscule.
Pierre Til’ Bottero est sur sa moto. Les kilomètres défilent, la route
est parsemée de virages, parfois traîtres.
Soudain, au milieu de l’un d’eux, Pierre croit apercevoir une vague
silhouette de femme, grande, souple. Il s’arrête et pose sa moto contre un
chêne. La silhouette passe d’arbre en arbre avec une facilité déconcertante.
Pierre tente de l’appeler, mais l’ombre ne répond pas. On dirait qu’elle vole.
Alors, il décide de la suivre dans la forêt.
C’est vrai qu’il n’a aucune raison d’y aller. Il fait presque nuit
noire, sa moto l’attend, et il a un peu faim. Mais Pierre, il est comme ça,
très curieux. Parfois trop. Alors il se met à courir dans la forêt, en essayant
d’éviter de se prendre les pieds dans des racines. Mais la silhouette avance
drôlement vite, et Pierre est rapidement distancé. Il regarde alors autour de
lui. Il est au milieu d’une clairière, des buissons et des arbres immenses
l’entoure. Il s’apprête à repartir, mais juste avant il se décide à crier une
dernière fois :
-Eh ho !!! Il y a quelqu’un ?!
Personne ne répond. Il fait demi-tour, quand soudain, la silhouette, qui
est en réalité une jeune femme, surgit devant lui, comme tombée du ciel. Mais
il ne peut voir son visage, à cause de l’obscurité.
-Bonjour Pierre, nous t’attendions, dit-elle d’une voix posée.
-Bonjour, euh, comment ça vous m’attendiez ? C’est qui ce
« nous » ? Et comment savez-vous mon nom ?
-Patience patience, je vais vous mener vers les autres.
Pierre ne dit rien, il la suit. Il n’a aucune raison de le faire. Il est
plus fort, plus grand, il pourrait facilement rejoindre sa moto et partir. Mais
il est curieux. Alors il avance, derrière la jeune femme, qui n’a pas l’air de
marcher, mais de glisser sur le sol, avec une grâce infinie.
-Voilà c’est bon.
La jeune femme s’est brusquement arrêté, entre deux arbres. Soudain,
elle se met à siffler. Quelques ombres sortent alors des buissons. Pierre ne
peut pas les distinguer nettement, mais soudain, un feu de camp apparait devant
lui, pour éclairer la scène. Il recule un peu, mais maintenant, il peut enfin
voir à qui il a affaire. Il y a tout d’abord une adolescente blonde, avec de
grands yeux violets. Un jeune garçon, à peu près du même âge, la peau noir,
avec des cheveux tressés. Un garçon âgé d’une dizaine d’années, la peau mate,
les yeux verts. Un homme musclé, l’air guerrier. Un vieillard l’air bougon. Et
une jeune femme avec de long cheveux noirs.
Pierre les reconnus tous au premier coup d’œil. Ewilan, Salim, Elio,
Edwin, Maître Duom et Shaé. Et la jeune femme qui l’a guidée, Ellana. Ses créations, ses personnages. Il était
convaincu de rêver, mais c’était un rêve agréable.
-Bonjour Pierre, commença Edwin. Tout d’abord, je te souhaite la
bienvenue parmi nous. Nous sommes tes personnages et nous te devons tout.
Maintenant, à nous te t’aider.
-Je ne comprend pas, répondit Pierre avec un air surpris, pourquoi
voulez-vous m’aider ?
-Tu ne le sais pas ? Cette nuit est ta dernière nuit dans ce monde. Ce
soir, tu pars avec nous en Gwendalavir.
-Mais pourquoi ? Je veux dire, ce n’est pas que cela me déplait, mais
bon, j’ai une vie ici. Je suis plutôt heureux.
Maître Duom bougonnait de plus en plus fort.
-Je vous l’avais dit, marmonna le vieillard, il n’est pas près. Nous
aurions dû le prévenir avant…
-Maître Duom, sans vouloir vous manquer de respect, vous n’êtes pas apte
à juger la chose, l’interrompit Shaé. C’est l’empereur qui en a décidé ainsi,
et de toute façon, nous n’avions pas les capacités nécessaire avant cette nuit.
-Très bien, répondit sèchement le vieil homme.
-Je disais donc, reprit Edwin, que sur ordre de l’empereur de
Gwendalavir, tu dois quitter ce monde avant qu’il ne soit trop tard. En effet,
nos savants ont découvert que tu devais mourir ce soir, dans un accident de
moto. Nous sommes là pour te sauver, et changer ton destin.
Pierre accusa le choc. Il réfléchit quelques minutes avant de prendre la
parole :
-Tout cela me semble très bizarre, commença-t-il, pour vous dire la
vérité, j’ai l’impression de rêver. Mais si vous voulez me sauver, c’est fait
non ? Il suffit que je rentre à pied chez moi. Je n’aurais pas d’accident de
moto.
-Les choses ne sont pas si simples, expliqua Maître Duom, si tu dois
mourir ce soir, tu mourras forcément ce soir, c’est ton destin. Quoi que tu
fasses, tu es condamné.
-Je vois…, répondit pensivement Pierre. Mais en quoi le fait d’aller
dans l’autre monde va-t-il me sauver ?
-Il faut savoir que Gwendalavir n’est pas soumis aux mêmes lois que ce
monde, commença Ewilan. Ainsi, en partant avec nous, tu changes de destin. Tu
vis une autre vie en quelque sorte.
-Je commence à comprendre… Mais vous auriez pu ne pas me prévenir, me
laisser à mon vrai destin ?
-Et t’abandonner à ton triste sort alors que tu nous as crée ? Nous te
devons tout Pierre, nous te sommes entièrement redevable, l’interrompit Edwin.
-Je n’ai vraiment pas le temps de prévenir mes proches ? demanda Pierre.
De les voir une dernière fois ?
Une larme roula sur la joue d’Elio.
-Je suis vraiment triste pour vous, commença le jeune garçon, mais c’est
impossible. Nous avons peu de temps, et vous ne pouvez pas quitter la forêt
sous peine de mort…
-Je vois…
Tous se turent pendant quelques minutes, pour laisser le temps à Pierre
de faire le deuil de son ancienne vie. Puis, il pris la parole :
-Je suis prêt à changer de destin, même si le fait de ne pas dire au
revoir à mes proches me brise le cœur. Je vous remercie de m’avoir prévenu, et
je vais donc partir avec vous. La vie est une grande aventure, et je m’apprête
à en vivre une nouvelle. Mais avant, je voudrais dire quelques mots :
La douleur infinie de celui qui reste
Comme un pâle reflet de l’infini voyage
Qui attend celui qui part.
Tous hochèrent la tête. Elio essuya ses larmes, Maître Duom cessa de
bougonné. Ewilan s’approcha de Pierre et lui pris délicatement la main.
-Prêt pour votre plus grand voyage ? demanda-t-elle.
-Oui, répondit-il d’un air décidé.
Alors, ils disparurent tous, laissant seulement les immenses arbres dans
la forêt. Même le feu disparu. Il ne restait qu’une seule trace de leur passage
: les clés de moto, qui étaient tombées de la poche de Pierre.
*
-Et voilà mon chéri, l’histoire est fini.
-Elle était vraiment bien maman. Mais à la fin, il meurt Pierre ou pas ?
-Mon chéri, il y a deux réponses à cette question, comme à toutes les
questions : celle du poète et celle du savant. Laquelle veut-tu en premier…
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