Les Mondes de Clèm: Il faut tenter de vivre - Vavi

mercredi 7 mai 2014

Il faut tenter de vivre - Vavi


Vavigagné ex-æquo le premier prix  du concours d'écriture organisé pour les deux ans du blog. Elle nous offre ainsi une suite touchante et pleine d'émotions au merveilleux Chant du Troll de Pierre Bottero et Gilles Francescano (Attention, si vous ne l'avez pas lu, ce texte contient des spoilers)

Il faut tenter de vivre


Au chapitre 37, le livre s’arrête, mais le mot « fin » n’a pas été posé.
Parce qu’il existe toujours un Ailleurs, un Après.
Un Au-delà.

Ce texte est une invitation, une porte vers cet Ailleurs que vous pouvez choisir de pousser… Si vous le désirez.

« On a toujours le choix… Il suffit de faire le bon. »



38.

Trois petits coups sur la porte.

Pam. Pam. Pam.

- Pauline ?

La porte s’ouvre, doucement, sur la mère de Léna. Ses yeux sont rougis, et son visage creusé.

- Je crois qu’il faut qu’on parle, toi et moi. Qu’on aille marcher un peu.

Doucement, presque timidement, le père de Léna glisse sa main dans celle de sa femme. Elle ne résiste pas, mais reste silencieuse.

- Viens. Je t’emmène faire un tour dans le vieux port.




39.

- Un, deux, trois,
Trois à trois,
Toi et moi.

L’univers tout entier s’écroule, se délite.
Se désagrège.

- Un, deux, sans trois,
Et puis quoi…
La vie peut-elle continuer sans toi ?




40.

Ils marchent sous la fine pluie de novembre. Une pluie froide, qui les glace jusqu’aux os.
Mais les parents de Léna ne ressentent plus la morsure du froid. Leur esprit est tout entier empli de cette absence qui les hante.

La douleur infinie de celui qui reste,
Comme un pâle reflet de l’infini voyage
Qui attend celui qui part.



41.

Le vent souffle, déchaînée, et la mer est agitée. Les parents de Léna se sont avancés jusqu’au bout de la jetée, jusqu’à ne voir plus que l’horizon, sombre et gris, et y perdre leurs regards. Antoine pleure en silence, et ses bras entourent le corps frêle de Pauline.
Elle, sanglote doucement et son corps tressaille de cette douleur profonde qui lui remplit le ventre, la tête et le cœur. Ses pleurs se mêlent aux gouttes de pluie sur ces joues glacées.

- Léna…

Le nom de leur fille est noyé par l’assourdissant vacarme de la houle, allant se perdre dans la tempête naissante.
Il disparaît, tout comme disparaît peu à peu de le visage de leur enfant, son odeur.
Impalpables.

Plus Pauline s’accroche à ses souvenirs, désespérée, plus ceux-ci semblent lui échapper. Seul persiste, invincible, le rire cristallin de Léna, ce rire qui la réconforte et l’abat encore un peu plus.

- LÉNA !

Le monde est vide.
Vide comme les bras de ces parents qui ont perdu leur enfant.
Vide comme le cœur de Pauline.



42.

Ils sont restés ainsi un temps qui leur a paru infini, hors du monde.
L’univers s’était arrêté de respirer devant la douleur d’une famille brisée.

Quand enfin leurs yeux ont été vides de larmes, quand enfin leurs corps ont pris conscience de la tempête, alors ils sont repartis, doucement, en silence.

- Il faut que je te montre quelque chose, Pauline.



43.

Ils sont là.

Elle, assise au bureau, en train de lire une liasse de feuillets devant l’ordinateur enfin éteint, lui, agenouillé à ses côtés, guettant le moindre tressaillement de son visage, observant la plus infime de ses réactions, attendant qu’elle se prononce.

Elle tourne la dernière page, bat des paupières pour tenter de dissimuler les larmes qui, soudain, embuent ses yeux.
Renonce.
Enfouit le visage dans le cou de son mari.
S’accroche à lui comme à une bouée.
Se met à pleurer.

Il a passé la main dans les cheveux de sa femme et les caresse doucement en lui murmurant des paroles apaisantes à l’oreille.

- Elle me manque, hoquette sa mère. Elle me manque tellement.

- Je sais. Elle… Elle me manque aussi.

Pourtant, tout doucement, ils remarquent inconsciemment que l’absence de leur fille se fait moins forte, moins profonde.

Quelque part, à la fois très loin et tout proche, le cœur de Léna bat à mille à l’heure.
A l’unisson avec celui de ses parents.

Il leur semble alors qu’elle referme les bras sur eux, se serre entre leurs bras.

-Tout va bien, murmure-t-elle, ou peut-être est-ce le vent. Tout va bien.

Alors ils mêlent leurs larmes aux siennes, invisibles.

- Un, deux, trois,
Trois à trois,
Toi et moi.

Léna hésite, n’a pas envie de se lever, préfèrerait se noyer dans sa douleur, disparaître dans ses souvenirs, oublier de vivre pour oublier sa mort, mourir peut-être. Sans doute.
Elle se lève.
Continuer. Elle doit continuer.
Juste continuer.

- Un, deux, trois,
Ne m’oubliez pas,
Le vent se lève, il faut tenter de vivre sans moi.


18 commentaires:

  1. Très beau texte, bravo Vavi ! Je n'ai pas lu le livre mais il se dégage beaucoup d'émotion !

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    1. Merci Mathilde ! Le Chant du Troll est... magique. ♥

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  2. Doux, magnifique, sensible, profond, touchant, émouvant, Bottero.

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  3. C'est très beau. J'avais oublié la fin, mais ton texte me l'a rappelé ! Félicitations !

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  4. Hey !

    Mes mots ne seront pas aussi forts que les tiens Vavi mais sache que j'admire ce texte que tu as rédigé !

    Moment hors du temps,
    Lignes qui défilent,
    Nouvelle fin. Nouveau départ.

    Merci beaucoup ! Vraiment ! Très beau texte !
    Obéron (le retour)

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    1. Et oui, "le retour" ! Je me demandais si tu avais oublié le chemin ;) Merci d'être revenu !

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    2. Merci à toi, Obéron ! Au plaisir de te recroiser, à l'occasion, au détour d'un blog ou d'un forum... :)

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  5. (Parce que pour que je garde le compte de mes commentaires, il faudrait que je réponde à chaque mais je ne vais pas le faire ici, puisque ces commentaires ne sont pas pour moi…)

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