Les Mondes de Clèm: Dans le désordre - Marion Brunet

jeudi 28 janvier 2016

Dans le désordre - Marion Brunet


Ils sont sept. Sept qui se rencontrent en manifs, dans la révolte, dans le désordre, refusant la vie qu'on leur impose. Ils décident de vivre ensemble, en squat et en meute.
Et au coeur de la meute, il y a Jeanne et Basile, qui découvrent l'amour. Celui qui brûle et transporte.

Il y a des lectures qui changent, qui boulversent, qui transforment. Ce sont celles qui nous prennent aux tripes et nous embarquent dès les premières lignes. Dans le désordre en fait partie.

Il y a ces personnages atypiques que l'on ne peut s'empêcher d'aimer profondément, qui se rencontrent et qui vivent. Jeanne, Basile, Alison, Lucie, Jules, Marc, Tonio. Ils se découvrent, on apprend à les connaître, mais l'impression d'avoir toujours vécu avec eux reste tenace. Animés de sentiments puissants, ils partagent avec nous leur rage, leur colère, leur envie d'un monde nouveau, d'un monde plus juste, d'une vie différente. Et avec tout ça, ils deviennent nos amis. C'est pourquoi le temps passé en leur compagnie nous semble à la fois beaucoup trop court et tellement long.

Difficile de trouver les mots justes pour décrire ce dans quoi Marion Brunet nous emporte. C'est une lecture coup de poing, avec des pages défilant à une vitesse incroyable et une fin qui arrive bien trop vite. L'émotion qui prend à la gorge, qui nous empêche de penser à autre chose, qui nous interdit de fermer le livre. Les mots virevoltent et nous emmènent dans un monde si semblable au nôtre, mais si différent...

   Ils se taisent. Et puis ils se mettent à rire, en salves béates, en complicité émue. Se souviennent que la fête continue, à coups de corps dansants, de mots hurlés pour être entendus, de sons élastiques et flous qui remontent jusqu'à eux. Ils s'en foutent puisqu'ils brûlent, qu'ils sont une fête à eux tout seuls.

Ce sont des vies qui s'entremêlent et se lient, tout en changeant irrémédiablement. Des moments de joie, d'autres de désespoir, mais reste le sentiment d'appartenance à un groupe. Ce sentiment qui permet de penser que l'on a trouvé sa place dans un monde souvent hostile. C'est ce qui lie Jeanne et Basile, qui les fait vivre pleinement lorsqu'ils sont ensemble et qui nous fait plonger avec eux dans la folie de se penser que jamais rien ne pourra nous atteindre.

Au-delà d'une simple lecture, c'est un coup-de-coeur pour cette histoire et ces personnages qui se nichent si facilement en nous. Un roman qui renverse tout sur son passage, ne passez pas à côté.

   - Bon, vous savez qu'on va quitter notre squat, tous les trois.
   C'est pas une question ; les autres attendent la suite. Marc les regarde tous un par un, pose sa bière et croise les bras.
   - Ça vous dirait d'en ouvrir un nouveau, ensemble ?
   Tonio et Basile ne répondent pas, puisqu'ils participent à la question. Ils ont dû en parler ensemble, déjà. Tous trois fouillent dans les yeux des autres une étincelle d'envie.
   - Nous sept ? demande Jeanne.
   - Oui.

   Un silence radieux et plein de questions muettes flotte au-dessus de leurs verres vides. Tonio fait signe à Slimane, qui remet une tournée. En accord parfait, ils attendent le retour de leurs bières avant de trouer le silence. Autour d'eux, des tablées discutent et rigolent. Iggy Pop entonne The Passenger, et ça remue Jeanne jusqu'aux tripes. Désormais, elle associera toujours ce morceau à l'instant crucial, cet instant rempli d'électricité, de doute et de promesses, où l'énormité du virage les a tous sidérés.

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